Brian Finch, première exposition en France et c’est à Menton
Brian Finch est le nom d’art. Le plasticien anglais expose pour la première fois en France à la Galerie des Ambassadeurs de Menton.
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Il présente un travail photographique particulièrement original associant manuscrits anciens (dont il est un spécialiste reconnu) et un élément végétal : fruit, légume, feuilles, etc.
Le « vivant » délicatement déposé sur « le passé » (qu’il oblitère en partie) évoque la morsure du temps, la dégradation qu’il lui inflige (comme dans ces fruits ou légumes en cours de pourrissement) pouvant être un danger pour le fragile manuscrit.
Au delà de la valeur esthétique de l’œuvre, l’effet est assez étonnant et génère un ensemble de questionnements sur lesquels Brian Finch nous éclaire :
Existe-t-il un rapport entre le manuscrit choisi et le fruit qui est montré ?
Brian Finch : Pas toujours et pas forcément, mais la plupart du temps, oui. Par exemple, dans la série “Sic transit gloria mundi” (“Ainsi passe la gloire du monde”), j’ai intentionnellement utilisé des fruits pourris et des blasons de grandes familles (ou même de villes) pour illustrer la gloire et le pouvoir qui sont souvent éphémères. Mes photos, mes peintures et mes sculptures sont toutes des “Memento mori” (“Rappelle-toi que tu es mortel”), des sources d’inspiration pour une réflexion sur la vie et la mort. Notre passage sur cette terre fait de nous des nomades de la vie : nous changeons de place, de lieu de vie, de métier, de partenaire de vie, d’état d’âme. Et à chaque fois, on commence un nouveau cycle, une nouvelle vie.
Y-a-t-il quelque chose dans le texte qui évoque le fruit ?
Brian Finch : Dans quelques œuvres, oui. Par exemple, dans la photo qui représente une tomate posée sur un manuscrit, ce dernier décrit la tomate et son utilisation, en spécifiant qu’il s’agit d’un fruit et pas d’un légume, comme on croit communément. Sur la bulle papale de Grégoire XVI (1765 – 1846) j’ai utilisé une grappe de raisin Pinot noir, qui est utilisé pour la fabrication du Champagne, dont ce pape était si friand. La pomme accompagne un document de 1793 qui décrit le transport de différentes marchandises du port de Livourne en Italie, dont des pommes.
Pourquoi avez-vous associé ces deux éléments particuliers ?
Brian Finch : Parce que j’aime les contrastes. Et le contraste le plus saisissant est celui entre la vie et la mort. Un fruit est périssable, il vit très peu et le temps qu’il vit, il nous donne de la joie, voire du bonheur : il est beau et il est bon, mais il est éphémère. Tandis qu’un manuscrit nous survit des siècles, voire des millénaires. Comme les manuscrits bibliques qui ont 2000 ans et qui seront encore présents bien après nous. J’ai voulu rappeler le fait qu’il faut bien utiliser nos vies parce qu’elles n’ont qu’un temps limité qui ne nous permettent pas toujours de réparer le mal que nous faisons. Il est donc préférable d’agir éthiquement, pour ne pas devoir “réparer” ou regretter quoi que ce soit.
Est-ce une rencontre esthétique ou y-a-t-il autre chose à découvrir, autrement dit, la lecture du texte nous donnerait-elle une clé de compréhension de chaque œuvre ?
Brian Finch : Un texte, pour qu’il donne une clé de lecture, doit être lu intégralement. Or, dans mes œuvres, on ne voit que des fragments de manuscrits. Par exemple, le manuscrit que j’ai utilisé pour la banane est un recueil de testaments d’une même famille qui commence en 1332 et finit en 1895 : il a plus de 200 pages. Mais en le lisant intégralement, on comprend l’histoire de cette famille, ses déboires, la haine ou l’amour qui les a liés, les vengeances, les peurs et les espoirs… Bref, la vie.
En confrontant des documents manuscrits à des végétaux, l’artiste nous rappelle combien, au delà du temps, sont complémentaires les nourritures spirituelles et matérielles mais aussi combien l’invention de l’écrit, support de la pensée et de sa mémoire a été un moment essentiel et déterminant de l’histoire de l’humanité.
Si les premiers usages de l’écriture (inventaires, recensements, catalogues, etc.) ont servi au contrôle de biens matériels, l’écrit, par la suite, a permis aux hommes d’organiser la socialisation, de promouvoir la liberté, et de continuer à nous parler au-delà du temps.
Brian Finch à la Galerie des Ambassadeurs
Publié par alainamiel
Né à Londres en 1964, Brian Finch est un plasticien anglais présenté pour la première fois en France à la Galerie des Ambassadeurs de Menton.
Il présente un travail photographique particulièrement original associant manuscrits anciens (dont il est un spécialiste reconnu) et un élément végétal : fruit, légume, feuilles, etc.
Le « vivant » délicatement déposé sur « le passé » (qu’il oblitère en partie) évoque la morsure du temps, la dégradation qu’il lui inflige (comme dans ces fruits ou légumes en cours de pourrissement) pouvant être un danger pour le fragile manuscrit.
Au delà de la valeur esthétique de l’œuvre, l’effet est assez étonnant et génère un ensemble de questionnements sur lesquels Brian Finch nous éclaire :
Existe-t-il un rapport entre le manuscrit choisi et le fruit qui est montré ?
Brian Finch : Pas toujours et pas forcément, mais la plupart du temps, oui. Par exemple, dans la série « Sic transit gloria mundi » (« Ainsi passe la gloire du monde »), j’ai intentionnellement utilisé des fruits pourris et des blasons de grandes familles (ou même de villes) pour illustrer la gloire et le pouvoir qui sont souvent éphémères. Mes photos, mes peintures et mes sculptures sont toutes des « Memento mori » (« Rappelle-toi que tu es mortel »), des sources d’inspiration pour une réflexion sur la vie et la mort. Notre passage sur cette terre fait de nous des nomades de la vie : nous changeons de place, de lieu de vie, de métier, de partenaire de vie, d’état d’âme. Et à chaque fois, on commence un nouveau cycle, une nouvelle vie.
Y-a-t-il quelque chose dans le texte qui évoque le fruit ?
BF: Dans quelques œuvres, oui. Par exemple, dans la photo qui représente une tomate posée sur un manuscrit, ce dernier décrit la tomate et son utilisation, en spécifiant qu’il s’agit d’un fruit et pas d’un légume, comme on croit communément. Sur la bulle papale de Grégoire XVI (1765 – 1846) j’ai utilisé une grappe de raisin Pinot noir, qui est utilisé pour la fabrication du Champagne, dont ce pape était si friand. La pomme accompagne un document de 1793 qui décrit le transport de différentes marchandises du port de Livourne en Italie, dont des pommes.
Pourquoi avez-vous associé ces deux éléments particuliers ?
BF : Parce que j’aime les contrastes. Et le contraste le plus saisissant est celui entre la vie et la mort. Un fruit est périssable, il vit très peu et le temps qu’il vit, il nous donne de la joie, voire du bonheur : il est beau et il est bon, mais il est éphémère. Tandis qu’un manuscrit nous survit des siècles, voire des millénaires. Comme les manuscrits bibliques qui ont 2000 ans et qui seront encore présents bien après nous. J’ai voulu rappeler le fait qu’il faut bien utiliser nos vies parce qu’elles n’ont qu’un temps limité qui ne nous permettent pas toujours de réparer le mal que nous faisons. Il est donc préférable d’agir éthiquement, pour ne pas devoir « réparer » ou regretter quoi que ce soit.
Est-ce une rencontre esthétique ou y-a-t-il autre chose à découvrir, autrement dit, la lecture du texte nous donnerait-elle une clé de compréhension de chaque œuvre ?
BF : Un texte, pour qu’il donne une clé de lecture, doit être lu intégralement. Or, dans mes œuvres, on ne voit que des fragments de manuscrits. Par exemple, le manuscrit que j’ai utilisé pour la banane est un recueil de testaments d’une même famille qui commence en 1332 et finit en 1895: il a plus de 200 pages. Mais en le lisant intégralement, on comprend l’histoire de cette famille, ses déboires, la haine ou l’amour qui les a liés, les vengeances, les peurs et les espoirs… Bref, la vie.
En confrontant des documents manuscrits à des végétaux, l’artiste nous rappelle combien, au delà du temps, sont complémentaires les nourritures spirituelles et matérielles mais aussi combien l’invention de l’écrit, support de la pensée et de sa mémoire a été un moment essentiel et déterminant de l’histoire de l’humanité.
Si les premiers usages de l’écriture (inventaires, recensements, catalogues, etc.) ont servi au contrôle de biens matériels, l’écrit, par la suite, a permis aux hommes d’organiser la socialisation, de promouvoir la liberté, et de continuer à nous parler au-delà du temps.